Critique de Hair | Laissons entrer le party (2024)

Il y a de la joie ces jours-ci au Théâtre St-Denis. Y plane un parfum de fleurs du bonheur, un soupçon de fumée jadis illégale, et combien de plaisirs enfin libérés, dans une ambiance de gros party éclaté.

Silvia Galipeau La Presse

Vous l’aurez compris, Hair, œuvre culte de la contre-culture et du mouvement hippie des années1960, est à l’affiche, dans une imposante production, traduite et mise en scène par Serge Denoncourt.

Comment résumer autrement ce spectacle, trop long, disons-le d’emblée, parfaitement déjanté, (dé)culotté quoique sans grande trame narrative, duquel on ne peut que sortir le sourire aux lèvres, parce que bon, dur d’échapper à une telle invitation en chansons, en ces jours gris et enfumés: «laissons entrer le soleil», avouez? (Let the Sunshine In, oui, les chansons de Gerome Ragni et James Rado, succès monstre à Broadway, ont été traduites, exception faite de certains refrains, et malgré nos appréhensions, ça se prend plutôt bien.)

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Avant d’aller plus loin, une précision. Il faut savoir que la représentation de lundi soir a été frappée d’une sacrée tuile, du jamais vu de mémoire de spectatrice, laquelle a toutefois offert un deuxième souffle au récit: une panne d’électricité, à une vingtaine de minutes de la finale (d’un spectacle qui s’étire tout de même sur plus de deux heures et demie, entracte inclus)!

L’affaire s’est produite à un moment clé, le personnage tourmenté de Claude Bukowski (Philippe Touzel), appelé à se battre au front au Viêtnam, déclarant vouloir être «invisible» (!).

Le hiatus a duré une bonne demi-heure, forçant une évacuation hâtive du théâtre, évacuation finalement avortée, l’électricité – pardon: the sunshine! – ayant fait un retour inespéré.

Coup de théâtre, vous dites? Imaginez pour les artistes, qui venaient aussi de tenter une conclusion prématurée, chantant assis sur scène et en chœur, à la lumière des cellulaires des spectateurs solidaires, le fameux refrain ensoleillé. Saluons au passage leur entraînante improvisation, laquelle a donné lieu à un moment surréel et magique, comme seuls les arts vivants en ont le secret (ou, en l’occurrence, Hydro-Québec!). Fin de la parenthèse (ou du «bad trip», dans le texte, à ce moment précis aussi, on vous le jure, ça ne s’invente pas!).

Un «polaroïd»

Sinon, que dire? Vous ne comprenez pas tout? Aucune importance. Le récit est secondaire. Retenez-vous aussi de revoir l’adaptation de Milos Forman (1979), très bon film par ailleurs (adapté d’un texte écrit d’abord pour la scène, faut-il le rappeler), mais qui risque de vous mêler davantage.

Disons qu’on ne va pas voir la comédie musicale Hair pour son histoire (ici plutôt décousue, avec un certain retard à l’embrayage) ni ses dialogues (un brin cabotins).

Vous risquez d’y chercher longtemps le candide et bien peigné personnage de Bukowski, déjà bien échevelé (comme tous les autres membres de la distribution, une trentaine d’artistes, si on a bien compté)!

Serge Denoncourt a dit vouloir offrir un «polaroïd» de cette époque bouillonnante (et enfumée) et de ses revendications à la fois révolutionnaires et furieusem*nt pacifistes, en faveur du sexe, de la drogue et du rock and roll, libérés, on l’aura compris. Et c’est exactement ce qu’il fait, avec quelques clins d’œil à la culture québécoise en sus, accompagné de Wynn Holmes et de Nico Archambault aux chorégraphies, et de Lorenzo Somma à la direction musicale. Son «polaroïd» est aussi habilement souligné grâce à un décor d’échafaudages, quantité de pattes d’éléphant et de foulards colorés, et surtout plusieurs projections, évoquant tantôt la statue de la Liberté, tantôt un champ de bataille. Visuellement, c’est très puissant.

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Impossible, aussi, de passer sous silence la présence des musiciens sur scène, un ajout notable à la distribution.

Hair se vit du coup comme un gros spectacle, une soirée festive, enchaînant sans relâche chansons et chorégraphies, souvent grivoises, et surtout minutieusem*nt rodées.

Ne soyez pas surpris, après tout, c’est le sujet, souligné aussi à gros traits (moult paires de fesses, et autant de joints). Mention spéciale à tous les numéros de groupe (majoritaires), où chanteurs et danseurs performent à l’unisson, très réussis tant rythmiquement que visuellement.

En revanche, et c’est sans doute le revers de la médaille, les textes sont ici parfois noyés, tant il y a de voix, justement. C’est sans doute pourquoi aucun personnage ne se démarque non plus du lot (à noter qu’il n’y a pas non plus de grosse vedette, mais plutôt des habitués des comédies musicales) tant ils sont nombreux, que ce soit Philippe Touzel (en honnête Bukowsi, sans plus, vu dans Footloose), Kevin Houle (en polisson George Berger, un poil plus coloré, aperçu dans Annie), ou Éléonore Lagacé (certes dynamique Sheila Franklin, également de la distribution de Footloose). Seule Sarah-Maude Desgagné (de la dernière cuvée de Star Académie), en puissante Dionne, réussit ici à nous donner la chair de poule, avec son interprétation particulièrement sentie de Besoin d’un ami (en reprise, en fin de spectacle!).

Voilà un spectacle moins poli et assurément plus osé que ce à quoi nous a habitués jusqu’ici Juste pour rire, en matière de comédies musicales, on s’entend. Saluons l’audace, car si l’expérience théâtrale est moins au rendez-vous, le trip musical et chorégraphique, lui, ne nous déçoitpas.

Critique de Hair | Laissons entrer le party (4)

Hair – la comédie musicale

Durée: 2h30 avec entracte. 13ans et +.

Au Théâtre St-Denis., En supplémentaires jusqu’au 30juillet.
À la salle Albert-Rousseau, à Québec, à partir du 12décembre.

7/10

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